Didier Béquillard, Suite mexicaine

Didier Béquillard, Suite mexicaine

Suite Mexicaine

Julie Laurent, février 2016

“Suite Mexicaine” Maison des Arts de Bages d’Aude, France


C’est un grand terrain de nulle part.* Le grand damier du monde où tournent, tournent, les corps. Il faut pousser un pion et avancer son jeu, pas à pas. Les vieux, assis sur leurs talons aux angles des rues, à l’ombre des tonnelles le savent ; ils jouent leurs dames, en noir et blanc. L’échiquier de la vie réduit au 1/25000 devient une carte aux trésors où l’avenir surgit dans les grains de couleurs. De points en points, des axes se tracent et dessinent les constellations d’un chemin, semblables aux sentes des animaux forestiers qui relient les terriers. C’est le parcours improbable d’un homme, dans une « ville invisible ». Il était parti seul, léger et sans attente. Confiant. La mégapole se jouait de lui. Avec une douce ironie, elle orchestrait les sons acides, les couleurs franches, les odeurs crues. Il se perdait. Adorait ça. À nouveau, il cherchait un prétexte à crayonner le monde et inventer les gammes de ses fantaisies. Le souffle de la ville était sa plus belle boîte à outils, le mode d’emploi se cachait dans ses semelles. De ses inlassables balades, il tirait le fil, cernant son labyrinthe et inventant la graphie d’une langue inédite. Les tunnels débouchaient sur de lumineuses terrasses ; les impasses donnaient naissance à de larges boulevards. Il traversait la ville comme on chante un poème, le détour d’une ruelle marquant la rime d’une strophe. Des partitions absurdes émergeaient de ses errances, l’ombre de Klee en filigrane. Au fil des pages, de grands aplats très purs apparaissaient, le bleu y était bleu, le rouge rouge. C’étaient des formes simples, précises et efficaces, que les enfants adorent. Petits puzzles où l’assemblage de chaque pièce façonne une nouvelle histoire. Jouant de ces motifs, il racontait la pluie, le vent, le soleil, la prairie dans des maquettes paysagères qui se glissent dans la poche et que l’on emporte partout. En toute circonstance, on pouvait ainsi interroger le cycle des saisons et choisir, alors, son orientation.
Julie Laurent, février 2016
* Comme un Légo, Gérard Manset (Alain Bashung – Bleu pétrole)

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